And if you want to live, take good care. (Max)

'Vous emmener ici me rend terriblement mal à l'aise. Je suis désolé. Si vous repassez dans une heure, je vous tutoierai, je vous emmènerai n'importe où, même sur la lune. Mais vous n'avez pas besoin de voir un presque inconnu vomir ou perdre connaissance a tout bout de champ.'

Malgré toute la fierté dont elle était capable, Maxine ne put protester. Contredire Dante était au dessus de ses capacités. L'odeur d'éther et de maladie se faisait de plus en plus forte - ou du moins, c'est ce qu'elle ressentait, et la jeune femme utilisait déjà la quasi totalité de ses forces à résister à l'envie de hurler qui lui brulait la gorge.
Sentant sa respiration s'accélérer, elle avala sa salive et dégagea son poignet de l'étreinte de la main du jeune homme, un peu plus brutalement qu'elle ne voulait réellement. Toujours très fière, presque hautaine, elle lâcha à Dante, avant de tourner les talons jusqu'à la sortie:

Je serai dehors.

Une fois à l'extérieur, elle réussit à réfréner une nausée pendant trente secondes. Mais finit par s'appuyer à un mur, et vomit par terre. De la bile, et le thé avalé plus tôt. Ignoble. Elle détestait vomir, en plus. Mais là, l'odeur obsédante l'avait presque imprégnée complètement; elle n'en pouvait plus. Si elle avait pu, elle se serait roulée en boule sur un lit, un canapé, et aurait dormi tout son soûl. Mais non.
A la place, elle se dit qu'elle aurait du ajouter quelque chose d'autre à Dante avant de le quitter si précipitemment. Lui dire que malgré la réalité, elle ne le considérait pas comme un presque inconnu. Qu'elle se sentait capable de le qualifier de plein de manières différentes. Et que si elle le considérait, de toute façon, c'était dans le sens du respect. Et lui dire que la Lune, d'accord, mais qu'elle ne supportait pas les paroles en l'air, pas lorsqu'elle se trouvait dans un hôpital: qu'il fallait le faire, puisqu'il avait promis.

Je suis...

Maxine avait vu Dante sortir des urgences, et, adossée à un mur, bras croisés sous sa poitrine, elle avait espérée qu'il l'avait oubliée, et qu'il passerait son chemin sans un regard pour elle. Ce n'était pas qu'elle ne voulait plus le voir, mais il lui était insupportable d'imaginer qu'en la voyant dans cet état, blême, tremblante, glacée, venant de vomir, il allait lui poser des questions. Elle ne voulait pas ça. Ce n'était franchement pas le moment, pour elle, d'expliquer l'accident, l'hôpital, le traumatisme.
Il pleuvait toujours, mais moins fort. La chemise de Maxine était tout de même mouillée, et, de rester collée au mur lui permettait de cacher sa cicatrice qui apparaissait sur son bras. Pas besoin qu'il la voit non plus.

La jeune femme eut une sorte d'absence lorsque Dante, doucement, saisit son menton et l'embrassa. Tout doucement. Elle mit presque un temps à réaliser ce qui se passait. Puis, se défaisant lentement du jeune homme, elle détourna la tête, presque peureuse. Elle se détesta un instant, d'avoir pû penser qu'une homme comme Dante allait poser des questions sur son état, alors qu'il n'était rien de cela. Ses yeux se posèrent sur le bas-ventre du jeune homme. Sa chemise était encore rouge, même si la pluie la lavait un peu.
Pour dire quelques chose, alors qu'elle aurait préféré se taire, Maxine se pinça les lèvres et, dans un soupir presque épuisé, elle lâcha:

On peut s'en aller, maintenant?

Elle hésita un instant, repensant aux déclarations du jeune homme, plus tôt, sur son brancard d'hôpital. Et se tut, finalement. Déclarer qu'elle voulait aller sur la lune, comme il le lui avait promis, était peut-être un peu trop mièvre étant donné la situation. Ce serait pour plus tard.

Dante se mordit la lèvre, très légèrement. Il ne savait plus où aller, et d'embrasser la jeune femme, bien plus que d'avoir perdu une grande partie de son sang, l'avait rendu vulnérable. Tout paradoxal qu'il était, il n'en restait pas moins faible, et il pensait que tout se continuerait comme de soi, comme dans un rêve. Or, Maxine avait prononcé une seule phrase, et, si elle ne sortait pas forcément du songe, elle était banale, faisable, et surtout, on pouvait la prendre de diverses manière: elle est gêné par son baiser, et essaye de l'éviter maintenant, ou elle se sent avec lui comme protégée, comme s'ils étaient ensembles depuis longtemps, et se baladaient un peu n'importe où, comme des amoureux qui n'ont aucune contrainte. L'esprit paranoïaque de Dante (car il était parano quand il avait perdu beaucoup de sang, ce qui était quand même préférable à n'importe quel malaise vagal) choisi évidemment la première solution. De naturel impassible, il ne répondit rien, l'attrapa par les épaules. Elles étaient effacées, et tremblaient. Elle était finalement aussi faible que lui, vidée en plein milieu de la rue. Il voulut la ramener chez lui. Ils n'allaient pas écumer tout les bars du quartier, ça faisait franchement mauvais genre, et Dante n'était pas millionnaire, en plus il faisait moche. Chez lui apparaissait comme une évidence. Il avanca, entrainant Maxine comme si elle était la malade, sur quelques mètres, puis il eut une hésitation, pila, et dit, de nouveau de cette voix rauque mais très très douce qui semble ne pas avoir parlé depuis des années:

Ca te dérange, si on va chez moi?

Il espérait qu'elle comprendrait une nouvelle fois qu'il n'était pas un vieux pervers, mais son esprit paniquait un peu, doutant après la phrase formelle qu'elle lui avait sortie. Mais après tout, lui aussi avait sorti une phrase anodine...Les phrases anodines devraient être interdites par la loi, en fait. Ou non. Mais en fait...Oh, merde, il l'embrouillait, cette anodine et trop jolie jeune femme. Maxine Verdun, comme la bataille. Dante Faust Kornsfeigle, comme le diable. Qu'est-ce qui avait pu les faire croire qu'ils s'entendraient bien? Que ce n'était pas une énorme erreur, rien que le fait de se parler? La pluie se calma un peu, il alluma une cigarette. Eut l'envie idiote de la manger. Sourit légèrement. Parce qu'il n'y avait pas que la cigarette qu'il avait envie de manger.

Maxine était presque trop sonnée pour pouvoir réfléchir. Elle était encore un peu anesthésiée par l'odeur d'hôpital, et aussi, il fallait l'avour, par le baiser de Dante. En temps normal, evidemment, jamais elle n'aurait accepté. Jamais. Aussi beau fut le jeune homme. Mais tout était étrange, à ce moment là, et la normalité avait légèrement disparu depuis le début de l'après-midi. La présence incroyable du Petit Prince à ses côtés, l'odeur d'éther et le goût du vomi lui faisait tout mélanger. En les voyant marcher ainsi dans la rue, n'importe qui aurait pû penser que c'était elle, et non lui, la malade qui sortait de l'hôpital.
Trenblant de froid, de pluie et d'émotion, Maxine pressa le pas, croisant les bras sur son ventre, courbant le dos. Elle se foutait d'où elle allait pouvait faire n'importe quoi pour quitter le parking de l'hôpital, même si cela impliquait de se faire violer par un quasi inconnu. Violemment, sans même le vouloir, elle s'entendit dire:

Je m'en fous, je veux qu'on quitte l'hôpital.

Elle fit encore quelques mètres et s'arrêta, brusquement gênée par la manière dont elle avait parlé au jeune homme. Elle se retourna pour lui faire face, se reapprocha da lui, dégoulinante de pluie mêlées à quelques larmes inexplicables. Lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques centimètres de lui, et que la mièvrerie de la situtation avait plus ou moins atteint le stade du supportable, elle observa le sourire de Dante, reproduit quasiment le même sur son propre visage, et finit par s'excuser:

Pardon... je... peux?

En disant cela, elle approcha sa main de la cigarette coincée entre les lèvres du jeune homme, mais attendit sa réponse pour être sûre qu'elle pouvait s'en emparer.