Une femme qui vous appelle pour vous dire 'je vous aime'

Eloi eut un soupir. Il avait eut son instant le matin même, faisant un discours à une foule endiablée, debout sur le lion de Belfort, place Denfert Rochereau. Et maintenant, il était assis sur un poteau, devant le cinéma, à se demander ce qu'il allait faire. Pourquoi ne pouvait-il pas être révolutionnaire à plein temps? Est-ce que ça génerait vraiment ses parents? Est-ce que ça serait vraiment inutile? Non. Il avait l'espoir concret que, de toute façon, quelque chose bougerait, puisque rien qu'en trois ans, De Gaulle avait donné une liberté incroyable aux étudiants. Bientôt, les femmes pourraient avorter, il n'y aurait plus la peine de mort, et même, on pourrait voter a seize ans! Mais ça n'allait pas se faire tout seul. Dans les veines d'Eloi battait la haine de l'injustice et du conservatisme. Il se refusait, refusait même son corps à ces basses préoccupations de vie de famille qu'il voyait les gens autour de lui acquérir peu à peu. Il refusait d'être scout jusqu'à vingt et un ans, et ensuite se fiancer à la première nunuche venue pour lui faire soi disant de beaux enfants...Non, décidément ça ne l'intéressait pas du tout. D'abord, s'il avait des enfants, ce serait des enfants forts et beaux comme des lions, scandaleusement vrais et matures...Pas des enfants polis et bien habillés, jamais sales, jamais un bleu sur le genou. Il aurait de ces enfants qui impressionnent pas leur verve et leur vérité, pas par leurs futiles bonnes notes à l'école.

Et merde aux conventions. Bon, en attendant, maintenant, que faire? Aller une cinéma? Super. Pour faire quoi? Il n'y avait rien de spécialement chouette...A part une affiche qui attira son attention: 2001, Odyssée de L'espace...Tiens. Pourquoi pas...Il sorti son dé de sa poche. Pair, j'y vais, impair, je reste là, planté comme un con sur mon poteau.

Coline avait reconnu son frère de dos, avec sa bouffe de cheveux brun et son éternel sweat complètement délavé et archi usé mais dont jamais il se séparerait, du coup la jeune femme avait pris l'habitude de s'en servir comme de robe de chambre le matin au grand desespoir du jeune homme, mais ça, elle s'en fichait éperdument !
Elle arriva derrière lui avant de lui glisser la main dans les cheveux pour les ébourifé come on le fait avec les enfant, seulement son frère fait bien une tête et demi de plus que lui, et il valait mieux qu'il ne se mette pas en colère.
Les gens sont toujours étonné de découvrir deux personnalités si différentes chez des jumeaux, pourtant les deux enfants se sont toujours très bien entendus. Quelques accrochage évidement, jamais méchant. Eloi était engagé, Coline avait pu mal à si interressait, il était très terre à terre malgrè tous ses idéaux, elle était une grande rêveuse en mal de réalité. L'un complèté l'autre, et elle aimait bien ça comme ça. Elle n'aurait pas aimé être l'identique d'Eloi.

Le dé d'Eloi tomba à terre et cinq petits point noir constellés la face visible du dé.

"Verdict ?"

Demanda la jeune fille en se plaçant à côté de son frère en observant le dé.

Eloi eut un sourire en sentant sa sœur lui ébouriffer les cheveux. Il n'avait pas spécialement besoin de se retourner pour savoir que c'était Coline. Il sentait son odeur, il l'avait sentie déjà quand elle était arrivée à quelques mètres de lui. Et puis, il n'y avait qu'elle pour le décoiffer, dans ce geste qui le faisait retomber en enfance. Il ne prit pas le temps de remettre ses cheveux en place, parce que d'abord c'était trop fatiguant, et qu'en plus il se foutait complètement de ce à quoi il ressemblait: il suffisait de jeter un petit regard à son pull, et même a son vieux treillis qu'il quittait rarement, pour le comprendre. Il se savait mignon, ou du moins l'avait deviné aux vues de toutes les filles qui lui tombait irrémédiablement dans les bras.

En temps normal cependant, le geste de la jeune femme l'aurait irrité. Souvent, il trouvait sa sœur trop enfant, trop perdue dans son monde. Il trouvait ça malsain, même s'il respectait totalement sa manière d'être, parce qu'après tout, elle était sa jumelle, et avait le droit de chercher sa propre façon d'agir. Mais voilà, souvent, il se demandait s'il ne devrait pas l'emmener faire la fête, malgré ce que leurs parents pourraient dire. Il savait très bien de toute manière, qu'ils aimaient Coline a la folie, et qu'Eloi faisait un peu office de vilain petit canard dans le sens où ils l'aimaient de tout leur coeur, mais que le jeune homme s'était très tôt détaché de l'éducation que leur mère trop protectrice voulait leur donner pour s'élever tout seul. Il était devenu indépendant et très intelligent, et ça, il le savait, ça détruisait sa mère, qui ne comprenait pas quel était son rôle dans l'histoire. Finalement, il était reconnaissant à Coline d'exister pour avoir laissé leur mère assouvir ses envies d'apprendre à un tout petit gosse a nouer ses lacets, ou a lire.

Il ramassa de sa main aux ongles lisses le dé qui indiquait cinq. Impair.

-Je reste là comme un con, assis sur mon poteau. Qu'est-ce que tu fais dehors?

Souvent, Eloi, qui n'était plus vraiment beaucoup à la maison depuis qu'il avait quatorze ans, avait l'impression de ne pas voir évoluer sa sœur, ce qui le rendait malade, car il l'adorait prodigieusement et souvent sentait ce qu'on appelle le 'lien jumeau', c'est a dire qu'il était fatigué quand elle l'était, et quand elle souffrait où était triste également, il le ressentait profondément. Mais voila, la petite Coline, qui n'était pas indépendante de ses parents, l'était un peu plus de son frère. Il se demandait d'ailleurs, si finalement, elle n'était pas indépendante de rien du tout à part de son imaginaire. Il se tourna vers elle, en fit le tour et l'enlaça par derrière, posant un baiser juste sous son oreille.

"Tu sais, Eloi, malgrè ce que tu penses, je suis rarement enfermée à la maison. J'aime bien le dehors aussi ... Et aussi parce que maman en a ras le bol de moi et du fait que je soupire sans arrêt en tournant en rond ! Eh ! Tu voudrais pas être un peu plus souvent là ?!"

Demanda-t-elle en le regardant faire son manège autour d'elle bien qu'il ne lui sembla pas ressembler à un poteau mais bon, c'était Eloi. Eloi et ses manies, comme par exemple son dé de jeu qu'il trimbaler partout comme un doudou, ce dé qui lui permettait de délibérer sur les trucs chiant, comme ce qu'il allait faire maintenant. Et POC ! Un baiser près de l'oreille, qu'est ce qu'il peut être chiant des fois ! La jeune fille avait horreur de ça, et premier réflèxe : Coller son oreille contre son épaule et se cacher l'autre oreille d'une main. Mais bon, elle ne dirait rien, comme lui ne disait rien lorsqu'elle lui ébouriffait les cheveux.
Une fois cette petite sensation de guili désagréable disparut, la jeune femme rejeta doucement sa tête en arrière pour aller la pauser sur l'épaule de son frère.

"Tu m'as manqué frèro ..."

Malgrè ce que pensait ardamment son frère, libre comme l'air et qui vaquait depuis ses onze ans à ses activités sans demandait son avis à personne, Coline était loin d'être dépendante de ses parents, juste elle habitait chez eux et les aimait alors elle ne voyait aucune raison de les éviter. Et puis son frère était toujours dehors, fourré dans une manif ou lancé dans un grand débat, alors ils ne se voyaient pas beaucoup. Cet espace qui s'était crée peu à peu, Coline l'avait accepté. Malgrè tout l'absence de son frère était parfois pesante. De le voir là, ça la rendait toute guilerette. Elle l'avait vu faire son grand discour et même si ça ne l'interressait pas la politique, elle était restée parce qu'elle admirait beaucoup son frère. Et en plus de ça, il savait capter la foule et sa soeur aussi d'ailleurs. Un don un jour avait-elle dit à ses parents alors qu'il pestait encore contre ce fils aimé qui était toujours dehors, dans une manif, à la merci des CRS.

Eloi dégagea son cou pour poser son menton sur la tête de sa petite, en parlant de tailles, sœur, et eut un soupir de complaisance. Il se doutait bien que sa jumelle n'était pas une coincée, parce qu'il savait très bien que les jumeaux pouvaient être très différents, mais aux antipodes l'un de l'autre à ce point-là, c'était pas possible. Forcement, elle devait sortir de temps en temps. Ce qu'il savait qu'elle avait, comme lui, c'était cette spontaneité frappante à faire les choses. Les jumeaux n'étaient pas vraiment, malgré les apparences, des flemmards. Actifs, énergique, près a marcher dans Paris, pour aller chercher quelqu'un dans le dix neuvième alors qu'on est au fin fond du quatorzième, par exemple. Ils s'en foutaient. Ils vivaient du dehors, de toute manière. Il était perdu dans ses reflexions quand il senti une odeur étrangère dans les cheveux de sa soeur. Il renifla un instant, cherchant où il l'avait déjà sentie, puis ouvrit de grands yeux.

-Non mais tu fumes, toi maintenant?

Eloi avait deux milliards de défauts, buvait du café comme un respirait, buvait comme un trou, fumait ce qu'on appelait le cannabis dès qu'il en trouvait, aimait bien prendre du LSD 'pour rire mais sans en abuser' en soirée, évitant a chaque fois de devenir débile ou dépendant à cause de ça. Mais la cigarette, non, ça ne l'avait jamais tenté. Sans doute l'odeur de la fumée, ou le gout affreux que cela laisse dans la bouche. Évidement qu'il trouvait le geste joli, voir une femme fumer l'émouvait énormément. Mais sa sœur? Non. Pour embrasser des gens, on ne peut pas fumer. Ça l'émouvait de voir une femme fumer, d'accord, mais il n'irait pas l'embrasser après.

Coline sourit quand son 'grand' frère posa sa tête sur la sienne, donnant un style de totem à leur deux corps. Elle se baissa pour échapper au poid du crane du jeune homme et pouvoir se tourner vers lui. Fumer ? Oui, ça lui arrivait. Elle pencha la tête d'un air attendri. Pourquoi se posait-il la question tout d'un coup. La jeune femme prit une mèche de cheveux dans ses mains la plaçant sous son nez, lui faisant une moustache par la même occasion, oui, effectivement ses cheveux sentaient le tabac, mais pas à cause d'elle pour le coup. Surment quelqu'un à côté d'elle dans la foule.

"Effectivement, quand j'ai des cigarettes sur moi."

Elle appuya sur les poches de sa veste en jean, pas lpeine de le faire pour son jean, ça se verrait, montrant ainsi devant l'extrème plateur que prenait ses poches, que non elle n'avait pas de paquet sur elle. Elle l'avait fini hier et n'en rachèterai pas avant ... Enfin, quand elle en aurait envie quoi.

"Ce qui n'est pas le cas. Surment une des personnes qui t'écoutait tout comme moi tout à l'heure."

Elle lui fit son sourire le plus trognon, celui auquel, a priori, il ne pouvait resister, elle avait pas envie de se disputer avec son jumeau alors qu'ils s'étaient pas vu depuis des lustres !

Eloi eut un sourire, même si cette petite chipie était plutôt contrariante, c'était sa sœur, elle partageait le même sang que lui, et ça faisait des années qu'il l'abandonnait toute seule avec leurs parents ultra-conservatifs. Non, décidément, il n'était pas chouette avec elle, et n'allait pas de toute façon se mettre à l'engueuler parce qu'elle fumait. C'était sa vie. C'était juste surprenant pour lui de sentir une odeur aussi détestable sur sa douce et lunaire jumelle.

-Alors, quoi de neuf? Les parents vont bien? Le bac aussi?

Eloi était lui aussi supposé être en terminale, cependant, l'année précédente, en première, il avait fait partie de ces élèves que l'on appelle fumistes: très intelligents, brillants même, mais qui n'en foutent pas une. Ses professeurs avaient demandé un redoublement à la fin de l'année, et Eloi, sans rien dire, s'était inscrit au bac en candidat libre. Il avait obtenu son bac, et était revenu voir ses professeurs en leur disant 'vous voyez, non seulement je suis capable d'avoir mon année de première, mais en plus de ça, je ne vais même pas avoir à faire une terminale, puisque j'ai eu mon bac'. Maintenant, il s'offrait une année sabbatique. Pour l'année 1968, c'était parfait. Il s'était malgré tout inscrit au lycée, car il ne souhaitait pas que ses parents soient au courant de cette histoire, ce qui était plutôt mystérieux car c'est le genre de choses que les parents apprécient. Mais bon.

La jeune fille passa son bras autour des épaules de son frère, trop grand à son goût, et commença à avancer entraînant le grand brun avec elle. Elle s'avait pas très bien où elle l'emmenait comme ça, mais elle l'emmenait sous le regard contrarié de l'adolescente qui détaillait Eloi depuis près de dix bonnes minutes. Les questions de Eloi arracha un soupire desespérée à la blondinette.

"Ne me parles pas des géniteurs ! Ils sont absolument insupportables ! Le BAC on s'en tape, c'est pas comme si j'avais vraiment besoin de bosser et la Mère Supérieur ..."

La Mère Supérieur c'est le surnom que Coline donnait à sa mère quand elle lui tapait sérieusement sur le système, et ça s'était rarement bon signe !

" ... Elle a décidé que non, je n'irai pas perdre mon temps dans l'Ecole d'Allumés des Beaux-Arts !"

Les deux jeunes gens se traînaient très lentement, mais surment vers le boulevard Raspail, parce que Coline se voyait bien assise à un café, en terrase, tournée vers le soleil, un verre à la main.

Eloi se laissait plus ou moins trainer en arrière par Coline quand il vit l'adolescente qui le matait. Il se fichait complètement de cette fille qui n'était pas spécialement joli, mais il adorait se marrer et jouer. Finalement, les filles, c'était son truc que dans les grandes passions. Le mater, c'était trop facile. C'était même lâche. Il s'arrêta donc de se laisser trainer par Coline volontairement, et, le bras tiré vers elle malgré tout, il dérapait sur le pied et montrait la jeune femme du doigt (je sais pas si t'arrive à voir de quoi je parle, je vois le geste dans ma tête mais mon cerveau ramolli par le temps pourri arrive pas a le décrire), très évidemment, et disant très fort, comme un enfant qui dit 'oh, pourquoi le monsieur il a un gros nez?'

-Hé, t'as vu, la madame elle me regarde avec insistance!

Avec un sourire faussement émerveillé. Eloi était joueur et comédien. Et il s'amusa beaucoup du fard que piqua l'adolescente, tournant la tête en ouvrant de grands yeux, prête a dire à ses copines a qui elle disait la minute d'avant qu'elle voulait se marier avec un mec comme ça, que ce garçon était complètement stupide.

[ T'es stupide mon petit que j'aime très fort ! Very Happy

]

Eloi faisait de la résistance, alors Coline s'arrêta pour voir ce que fichait son amour de crétin de frère. Quand elle tourna la tête, elle releva un sourcil et fit un petit sourire en coin. Il était pas possible, et même cruelle de se moquer de cette fille qui était déjà amoureuse, en plus il faisait mine d'avoir regressé, genre j'ai huit ans et je comprends pas pourquoi elle me regarde comme ça cette fillette. Coline poussa un petit soupire amusé.

"Mais oui Eloi. C'est parce qu'elle amoureuse tu vois, cependant ça sert à rien de crier dans la rue."

Puis elle ajouta tout bas à l'intention de son frère.

"Tout le monde sait déjà que tu es manifique et que toutes les filles sont folles de toi."

Maintenant, la grande question c'est qu'est ce que son frère aller bien pouvoir inventer pour embêter cette fille qu'il trouvait, Coline le savait, pas spécialement joli, et vu comment il avait commencé, il n'avait pas vraiment envie de faire son séducteur.

Eloi fit semblant de regarder la pauvre jeune fille d'un autre œil quand il entendit le mot amoureuse. Il fit une moue incroyablement mièvre et tendit les bras vers le ciel, se détachant à nouveau de l'emprise de sa sœur pour courir vers l'adolescente qui maintenant avait décidé de complètement oublier cette occasion de mariage maintenant qu'elle s'était faite griller en train de le mater. Une fois qu'il arriva à sa hauteur, il attrapa doucement son bras. Quand elle se retourna, lie eut un sourire charmant, passa le dos de sa main sur sa joue, puis déposa un rapide baiser sur ses lèvres, avant de s'enfuir en cariboutant. Quand il fut arrivé à côté de Coline, il attrapa son bras d'un air joyeux, et montra la route du boulevard Raspail, et tout les cafés qui s'y trouvaient.

-L'amour...C'est magnifique, non? On va se poser dans un café? Je pourrais t'acheter un paquet de cigarettes qu'on fumera joyeusement ensemble pour se réjouir à l'idée de défier en secret l'autorité parentale?

Et cette fois ce fut lui, et non Coline qui dirigeait la marche vers les cafés. Il ne pensait plus à ce baiser qu'il avait donné à l'adolescente. Quand il pensait trop aux actes qu'il faisait sur des coups de têtes, il se sentait souvent mal, et ce n'était pas son but dans cette vie si courte. Le fait est qu'il pouvait être l'homme parfait sans effort. Et ce sourire, cette caresse qu'il avait donnés à la jeune femme avant de l'embrasser étaient représentatifs de ça. Mais ce n'était juste pas pour lui de grandir un peu. Pas encore.

Coline leva les yeux au ciel en même temps que les ras de son frère, elle voyait la catastrophe arriver. Elle était impulsive mais son frère c'était ... un cas desespéré de ce point de vu, il faut l'avouer ! Alors elle croissa les bras et se contenta d'attendre que son frère et finit ses aneries bien que ça la fasse beaucoup rire. Pauvre fille. Et elle se répètait cette même phrase, pardon ! Groupe nominal, pour chaque fille qui s'entichait lamentablement de son frère bien trop volage car jeune et épris de liberté, ce qu'elle comprenait tout à fait par ailleurs.
Quand son frère revint en cariboutant vers elle, un rire lui échappa, on dirait ... Oserait-elle le penser ?! Oui. Un abruti fini, mais c'était SON abruti fini. Pris dans son élan, le jeune homme entraîna sa jumelle vers le boulevard Raspail. Coline dérappa sur ses pied pour ne pas tomber.

"Et si j'ai pas envie de cigarettes, moi ? Et d'abord, je croyait que c'était pas bon les cigarettes, vu la grimace que tu as faite tout à l'heure ?"

Bien évidemment, Coline discutait juste par esprit de contradiction, mais il fallait bien trouver à s'occuper, non ?

Eloi jeta son dévolu sur un tout petit troquet avec plein de petits vieux à l'intérieur, et vraiment personne sur la terrasse. En plus de ça, les parasols étaient rouge et blanc, ce qui était profondément beau, en tout cas dans l'esprit d'Eloi, qui avait toujours six ans et pour qui ce genre de couleurs étaient synonymes de sucette, et de fêtes foraines. Il se laissa tomber sur une chaise, et demanda au bon petit et gros serveur aux blancs cheveux un pichet de bière et un paquet de Camel. Il se tourna vers sa sœur pour ouvrir de grands yeux, pour lui demander si elle voulait quelque chose en plus. Puis, quand le patron revint, il commença doucement à siroter le liquide ambré de sa boisson, en ouvrant d'une main le paquet de clope. Évidement, il mit trois heures à réussir, et quand il en eut calé une entre son index et son majeur un des tubes de goudron, il l'examina minutieusement. La dernière fois qu'il avait eut un truc comme ça dans les mains, c'était la sixième, un truc comme ça. Il eut un petit sourire, tripatouilla le tabac qui n'était pas encore à cette époque limité par un philtre et l'alluma, toujours d'une main.

-Finalement, t'as vu, on pourrait survivre tous manchots!

Puis il poussa de l'index et du majeur le paquet vers Coline. Elle faisait ce qu'elle voulait, de toute façon, des cigarettes ça ne faisait pas grand chose, quand même (pensaient-ils à cette époque-là). Il eut un long soupir, et passa sa main dans ses cheveux; on était bien malgré tout, avec sa sœur. Tant que ça n'était pas avec Alix, ok. Ça faisait cependant étrange, car ce genre d'activités, enfin si on appelle ça activité s'assoir dans un bar en buvant de la bière a dix huit ans, était plutôt réservé aux amis. C'était drôle, tiens. Eloi n'avait jamais considéré sa sœur comme une 'pote'. Elle était cool, d'accord, mais il ne l'avait jamais fréquentée en soirée, etc. Ils n'avaient pas le même type d'amis.

Eloi ne pris même pas la peine de répondre à Coline, ce qui, bien que ce soit ridicule, la fâcha un peu. Dans le genre casse-bonbons, la demoiselle était reine ! Nan, mais c'est vrai, il pourrait répondre au lieu de faire son alcoolique comme ça ! En plus la bière, elle aimait pas ça d'abord ! Alors quand Eloi eu cessé de faire l'imbécile avec son histoire de tout le monde manchots, la demoiselle se leva pour aller commander ce dont elle avait envie au comptoir. Ce serait, une manzana pomme (je sais pas si ça se buvait mais on va dire que si !). Le serveur lui tendit sa comande et la blondinette retourna s'assoir avec son frère sans rien dire. Elle avait décidé de se taire jusqu'à ce que son frère pète les plombs. Tout ça en espèrant, bien evidemment, que ça ne serait pas trop long.
Coline repoussa le paquet de clopes vers sont frère, sans prendre de cigarette, pour l'instant elle n'en avait pas envie, peut-être plus tard, la manzana, à cet instant, lui suffisait.
Ca faisait bien une demi-heure qu'ils étaient là, assis tous les deux à cette terrasse de café, comme des cons à se taire parce que Mademoiselle en avait décidé ainsi, si bien qu'àprès seulement dix minutes de mutisme, la demoiselle s'était perdue dans ses pensées, elle ne savait pas trop où, mais elle s'y était perdue.

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